Morosité ambiante et inquiétude palpable chez les dirigeants d’agences de communication et autres studios graphiques luxembourgeois à la lecture de cette lettre ouverte cosignée par les présidents respectifs des fédérations MarkCom et Design Luxembourg – André Hesse et Thomas Tomschak. Rendue publique ce lundi 23 octobre, ils rappellent à quel point le secteur de la communication, aujourd’hui en crise, est vital pour l’économie du pays. En tant que média référent du secteur, adada a décidé de relayer l’intégralité de cet appel en soutien à toute la profession, vent debout face à des pratiques de plus en plus contestables et préjudiciables:
« Nous, représentants des conseils d’administration de la MarkCom et de Design Luxembourg, souhaitons attirer votre attention sur une problématique méconnue mais significative touchant le secteur de la communication au Luxembourg.
Il est souvent question de crises dans des domaines tels que la construction ou l’immobilier. Cependant, le secteur de la communication, vital pour notre économie, est actuellement confronté à des défis majeurs…
Le domaine de la communication, par nature, repose sur la création, l’innovation et la stratégie au service des marques. Cependant, il est aujourd’hui confronté à des pratiques de plus en plus contestables. La multiplication des concours d’agences (ou « pitches ») non rémunérés, accueillant un trop grand nombre de participants, est devenue courante aussi bien dans le secteur public que privé. Même lorsque ces concours sont encadrés, ils entraînent bien trop souvent des pertes conséquentes pour les agences, tant sur le plan financier qu’humain, comme si le travail non rémunéré était devenu la norme.
…comme si le travail non rémunéré était devenu la norme.
En outre, une tendance actuelle privilégie les partenariats momentanés, adoptée tant par certaines institutions que par des entreprises privées. Changer d’agence « par principe », sans raison stratégique solide, ne profite pas nécessairement sur le long terme. Si l’on prend en compte l’expertise croissante de l’agence liée à la connaissance des enjeux du client et la confiance renforcée dans les échanges. Et bien sûr, cette tendance limite le retour sur investissement de l’agence car elle ne peut rentabiliser rapidement ses dépenses liées au partenariat, notamment en matière de savoir-faire, de formation spécifique et d’innovation.
Un travail non facturé de près de 70.000€ par agence.
Un autre sujet de préoccupation est le choix de certaines institutions, souvent financées par l’État, de favoriser les agences étrangères. Les agences locales, qui contribuent directement à l’économie luxembourgeoise et donc indirectement au financement de ces mêmes institutions, se retrouvent écartées. Ce paradoxe est non seulement préjudiciable à l’économie locale, mais il est aussi contraire à une logique de soutien du savoir-faire des agences qui opèrent sur le territoire Luxembourgeois.
La transformation rapide du paysage médiatique exige que les agences investissent massivement dans des compétences spécialisées et dans des outils technologiques de pointe. Ces investissements, bien que cruciaux pour offrir des solutions innovantes, ne sont pas toujours valorisés dans le tarif des prestations. Ces coûts, associés à l’expertise et à la technologie, devraient logiquement renforcer la valeur du conseil.
Un partenariat durable et solide entre les agences et leurs clients permet non seulement une rentabilité à long terme, mais aussi une efficacité accrue des campagnes et du développement continu de leur image de marque. Comme le montre notre enquête auprès des membres de la MarkCom, l’impact financier est considérable. En 2022, une agence a en moyenne subi une perte de 69.749€ à cause des pitches non remportés. La participation à un pitch représente, pour une agence, un investissement moyen de 200 heures, sans compter les frais associés. Ceci est dû au fait qu’il nous est régulièrement demandé de fournir un travail approfondi en matière de conseil en stratégie, de conception et de création. Par ailleurs, nous sommes fréquemment sollicités pour des concours dont les budgets sont trop limités et où les cahiers des charges demeurent imprécis. Cette absence de clarté complique grandement une évaluation objective et juste de notre travail. Si nous multiplions les pertes individuelles par le nombre d’agences existantes au Luxembourg, le montant total est vertigineux.
1 euro dans la communication = 7 euros de PIB.
Par ailleurs, la conclusion clé du rapport réalisé par le cabinet Deloitte, intitulé « La contribution du secteur de la publicité dans le Produit intérieur brut des pays européens » démontre l’importance de notre secteur pour l’économie nationale. Selon ce rapport, chaque euro investi en publicité génère un effet multiplicateur de 7 euros sur le Produit intérieur brut (PIB). Ceci souligne l’importance capitale de la publicité comme moteur de croissance économique au Luxembourg.
Si rien n’est fait, nous risquons de voir disparaître une partie essentielle de notre paysage économique et créatif.
Le secteur de la communication au Luxembourg est en crise. Si rien n’est fait, nous risquons de voir disparaître une partie essentielle de notre paysage économique et créatif. Une action est nécessaire pour garantir la survie et la prospérité de nos agences.
Nous appelons ainsi à une prise de conscience générale et à une révision des pratiques actuelles. Une régulation des concours, une rémunération équitable pour le travail effectué et une collaboration plus étroite et transparente entre les institutions, les entreprises privées et les agences sont essentielles pour garantir un avenir serein à notre secteur. »