Patrick Lesage (Takaneo): « Je crois à la singularité de chaque agence »

À Paris pour assister à la première mondiale d’un spectacle de danse du Ballet de l’Opéra de Rome, sous le patronage de Dior, c’est au café Marly que Patrick Lesage – toujours très ancré dans le monde de la danse – nous a donné rendez-vous pour répondre à notre interview, à l’occasion des 10 ans de son agence de communication Takaneo. C’est avec un regard positif et optimiste, à son image, qu’il nous dresse le tableau.

Il y a 10 ans, vous quittez votre métier de directeur des ventes et de la communication chez Harlequin Floors pour lancer votre agence de Com au Luxembourg? En découlent deux questions: D’où vient, à ce moment-là, cette envie de lancer une agence, et pourquoi choisir le Luxembourg?

Après un parcours de 20 ans à l’international, j’ai eu envie de poser mes valises. Étant originaire d’Arlon, le Luxembourg était une évidence, d’autant que j’y ai fait toute ma carrière professionnelle. Le souhait de monter ma propre agence de com’ est venue progressivement. Ayant été client moi-même d’agences de pub à l’international et ayant fait une formation post-universitaire en marketing et communication, j’ai décidé le 1er avril 2014 de créer ma propre structure; peut-être à l’image de celle que j’aurais souhaité rencontrer dans mon parcours professionnel. Se lancer dans l’entrepreneuriat, c’est un peu comme l’appel de la mer pour les marins. Nous nous sentons mus par une force et une envie irrépressible de tenter l’aventure. De mon côté, le défi était de taille puisque je n’avais pas d’antériorité dans le secteur, ni au Luxembourg d’ailleurs. Il fallait donc tout construire de A à Z, chose que j’aime faire puisque, sur le même schéma, j’ai créé une agence de production de spectacles pour organiser des tournées à l’international avec Giorgio Mancini, un chorégraphe de renom qui a créé plusieurs pièces pour des premiers danseurs et danseurs étoiles de l’Opéra national de Paris.  

En tant que non-Luxembourgeois, était-ce compliqué d’aller séduire les premiers clients nationaux?

Lorsque j’ai lancé le site web de Takaneo, j’ai eu la chance de décrocher Lidl comme premier client important au moment de la montée en gamme et en puissance de la marque au Luxembourg. Cette référence significative a tout de suite cautionné ma capacité à piloter des projets d’envergure et a donné une crédibilité immédiate à Takaneo. Les grands attirent les grands, et des références telles que KPMG, Luxexpo, ATOZ, ING ont rapidement suivi le mouvement. Je suis un commercial dans l’âme et l’expérience que j’ai acquise au niveau international m’a enseigné un savoir-faire et une méthodologie dans la construction d’un réseau et le respect du service client.

Je suis un commercial dans l’âme et l’expérience que j’ai acquise au niveau international m’a enseigné un savoir-faire et une méthodologie dans la construction d’un réseau et le respect du service client.

Je n’ai pas non plus d’ambitions démesurées puisque je n’ai pas l’appât du gain. J’ai surtout créé cette agence pour m’épanouir pleinement dans mon job et parce que j’ai besoin de défis et d’apprendre en permanence. Je fuis la routine et les journées sans apprentissage. Et puis, avoir sa propre entreprise est un laboratoire d’évolution personnelle. On ne naît pas forcément manager mais on peut le devenir. Devenir patron d’entreprise change le rapport aux autres et à soi-même. Être bien dans ses baskets et dans sa tête aide évidemment à avoir une disponibilité mentale maximale pour gérer au mieux sa société. 

Takaneo a aujourd’hui 10 ans, des clients renommés et fidèles, et quelques belles références dans son portfolio. Dis comme ça, ça semble facile, mais y a-t-il eu des moments d’incertitudes, voire des désillusions, durant ces 10 ans?

La période du COVID a bien sûr été compliquée, pour de multiples raisons, dont la remise en question de certains de mes employés sur leur parcours de vie ou leur parcours professionnel. De mon côté, il y a également eu une période de doutes et d’incertitudes. Dans ces moments d’égarement, on cherche un sauveur, qui peut prendre la forme d’un coach professionnel, d’alliances éventuelles ou de rachat par une plus grande agence. Et puis, on trouve finalement la force en soi et, de façon plus schématique, on comprend que le seul qui puisse sauver son entreprise, c’est soi-même. Des désillusions, il peut y en avoir mais ce sont surtout les succès que je valorise, car je suis de nature optimiste et parce que j’ai appris, de mon expérience auprès d’une société américaine que, face à l’échec, il faut tout de suite rebondir et non se lamenter d’espoirs déçus, ce qui est également le cas dans la vie privée.

En tant que patron d’agence, il ressemble à quoi votre quotidien depuis 10 ans?

Mon quotidien est passionnant. Aucune routine. Chaque jour est différent. Travailler dans la com’, c’est épanouissant intellectuellement. Vous rencontrez régulièrement des entrepreneurs, passionnés et donc passionnants.  Et c’est aussi pour cela que j’ai décidé de créer ma boîte. Apprendre chaque jour, se renouveler, se réinventer parfois aussi, avec bien sûr une ligne de conduite et une vision claire de là où je veux aller. Mais aussi, faire de son métier une passion, ou d’une de ses passions, son métier. A titre d’exemple, j’ai toujours eu le goût de l’événementiel. Spontanément, dans ma vie privée, je créais des décors de table, des soirées thématiques. Aujourd’hui, grâce à la partie événementielle de l’activité de l’agence, j’ai pu faire d’une de mes passions mon métier.

Mon quotidien se partage entre des moments de prospection commerciale, l’échange avec mes collaborateurs sur les projets en cours, le contact avec les clients, le pilotage de l’agence au niveau stratégique, financier, logistique et humain. J’aime comparer les chefs d’entreprise à des sportifs de haut niveau qui doivent sans cesse s’entraîner, tomber parfois, pour mieux se relever, être stratège, lucide et surtout garder le cap, sans failles. 

Qu’est-ce qui a le plus changé? Sur le marché, chez Takaneo, mais aussi chez vous, en tant qu’entrepreneur, entre 2014 et aujourd’hui?

Eh bien, il y a 10 ans, j’étais très fier d’annoncer à ma première collaboratrice que j’avais 5 clients au compteur, dont Lidl tout de même. Aujourd’hui, la passion, l’envie de se dépasser, l’attention au détail n’ont pas changé. Par contre, nous sommes aujourd’hui (re)connus comme une agence globale, ou 360 degrés, avec un renforcement du pôle digital et stratégique amorcé il y a deux ans et qui se traduit concrètement par le pilotage de projets digitaux d’envergure nationale, notamment pour l’Institut national du cancer.

Il y a 20 ans, quand je travaillais pour Harlequin, le leader mondial en revêtements pour la danse, faire de la com’ consistait à élaborer un plan média européen, disposer d’un numéro vert et les demandes affluaient.

Les outils dont nous disposons actuellement ont évidemment beaucoup évolué de même que les canaux de communication, mais c’est ce qui rend le métier passionnant. Il y a 20 ans, quand je travaillais pour Harlequin, le leader mondial en revêtements pour la danse, le spectacle et l’événementiel, faire de la com’ consistait à élaborer un plan média européen, disposer d’un numéro vert et les demandes affluaient. L’avènement des nouveaux canaux de communication est certes un challenge, mais ces canaux nous permettent une mesure presque en temps réel des actions mises en place, ce qui rend le défi encore plus passionnant. Évidemment mon rôle a beaucoup évolué. Je retrouve aujourd’hui une dynamique similaire à celle que j’avais en tant que responsable européen de la communication et des grands comptes chez Harlequin. Un rôle de supervision, mais non moins actif puisque je suis en permanence à la recherche de nouveaux débouchés et de nouvelles opportunités. 

Quel regard portez-vous aujourd’hui sur le secteur de la Com au Luxembourg?

Je porte un regard plutôt positif et optimiste. Au moment de rejoindre le Conseil d’administration de la MarkCom, j’entends bien sûr tenter d’apporter ma contribution, fût-elle progressive, à l’évolution des mentalités. Le marché est en mutation. Certains secteurs sont en crise. Un climat incertain doit nous pousser à nous remettre en question. Se réinventer, être à l’écoute du marché, anticiper les besoins et les demandes pour mieux y répondre. Ne pas craindre l’IA mais la considérer comme un nouvel outil. Je ne suis pas le premier à le dire mais je rejoins l’idée que l’IA ne supprimera pas forcément des emplois mais elle écartera du marché les sociétés ou les personnes qui ne la maîtriseront pas. Le marché garde une forme de dynamisme, avec une ombre au tableau, celle des pitchs non rémunérés, chez certains annonceurs. Néanmoins, les mentalités commencent à évoluer lentement, certes, mais la prise de conscience est là chez certains annonceurs. Les pitchs font partie du jeu et sans ces concours, une agence comme Takaneo n’aurait pas acquis des références comme ATOZ, KPMG, LIDL, Luxexpo, Institut national du Cancer, etc. mais il faut, comme pour tout, éviter ou alerter sur les abus ou les dérives. Faire un pitch et convoquer entre 6 et 8 agences, est une perte de temps et d’argent pour toutes les parties en présence. 

Parce que c’est d’actu, comment avez-vous réagi en apprenant la fusion des agences plan K et Mikado? Pensez-vous que toutes les «petites» agences de com dites généralistes, à l’image de Takaneo d’ailleurs, sont vouées à un jour se regrouper pour éviter de disparaitre? 

Je crois beaucoup aux alliances et aux rapprochements, surtout dans un climat économique incertain, mais je crois surtout à la singularité de chaque agence. Je pense qu’il y a un bel avenir aussi pour les petites structures, tant que la qualité est au rendez-vous. Nous travaillons au quotidien pour les plus grands noms de la place qui sont ravis de bénéficier d’une souplesse et d’une réactivité à toutes épreuves, compte tenu de la taille très humaine de Takaneo. De surcroît, nos clients apprécient beaucoup d’avoir un contact direct avec nos créatifs, sans passer par la hiérarchie et les intermédiaires nécessaires dans les plus grandes structures.

Je crois beaucoup aux alliances et aux rapprochements, surtout dans un climat économique incertain.

Je suis ravi de constater que Plan K et Mikado aient trouvé une forme d’association, car cela sauve des emplois et deux projets d’entreprise. S’associer signifie aussi avoir la capacité de renoncer à certaines choses, de faire des concessions ou des compromis. C’est faire preuve de maturité et d’intelligence.  

Le 27 juin, vous et votre équipe conviez clients et partenaires pour célébrer les 10 ans de l’agence comme il se doit. C’est le premier événement signé Takaneo pour Takaneo, un peu de pression supplémentaire? 

Absolument pas. Nous avons un savoir-faire! (rires) Plus sérieusement, pour notre 10e anniversaire, nous avons décidé de réancrer et d’asseoir l’origine du nom de marque Takaneo qui trouve son inspiration en Espagne. En effet, ayant travaillé pendant 15 ans dans le domaine de la danse, je voulais un nom de marque ancré dans la terminologie de la danse. En espagnol, et plus particulièrement en flamenco, le « taconeado » désigne le son produit par le claquement de la chaussure sur le plancher en bois. De là, j’ai créé le nom de marque Takaneo; l’idée étant de faire du bruit autour de sa marque pour se faire connaître, se faire aimer et faire agir votre cible dans le sens que vous souhaitez, le B.A. ba du marketing en quelque sorte. Je voulais également le suffixe « neo » dans le nom de marque, avec le K central qui donne du rythme. La soirée est par ailleurs signée Takane(on) fire. Il y aura du rythme, des vibrations, des moments spectaculaires, sonores et visuels. J’ai conçu la soirée comme un moment convivial, de gratitude et de remerciement envers nos clients, partenaires et collaborateurs.   

Au moment de souffler les 10 bougies, quel souhait allez-vous faire secrètement?

Je ne vais pas dévoiler tous mes secrets, sinon il n’y aura plus de surprises au moment où mes vœux s’exauceront. Les anniversaires ronds, c’est l’occasion de regarder le chemin accompli et en 10 ans, nous en avons parcouru quelques kilomètres… Nous entamons cette nouvelle décennie avec une équipe motivée, dynamique, inspirée et inspirante. Les creative minds de Takaneo ont un esprit d’équipe, une belle homogénéité avec des talents très complémentaires, et une envie de se surpasser qui me ravit. L’occasion de se retourner sur le chemin parcouru, mais surtout d’envisager l’avenir et de continuer à nourrir des rêves et des ambitions. Je souhaite, et ce n’est pas un secret, consolider notre agence et maintenir le niveau d’exigence et de qualité qui fait la réputation de Takaneo. Nous avons déjà conçu plusieurs campagnes de communication pour différents annonceurs, mais je souhaiterais prochainement signer une campagne de pub nationale et, au niveau événementiel, organiser un dîner surréaliste sur la scène du Grand Théâtre de la Ville de Luxembourg pour une œuvre caritative ou un annonceur. Avis aux amateurs!      

(c) photo: Manu Coling