C’est un fait, les réseaux sociaux sont devenus la principale porte d’entrée vers les articles des médias du monde entier. Difficile de s’en passer donc. Parmi eux, Twitter a longtemps été le chouchou des journalistes. L’immédiateté du réseau social, son format court d’abord uniquement textuel, son système de hashtag, sa mise en avant des hot topics quotidiens… en ont fait l’endroit idéal pour diffuser son scoop. Mais les temps ont changé, et X (le nom donné à Twitter depuis son rachat par le sulfureux Elon Musk) aussi. Au Luxembourg, la rédaction du Lëtzebuerger Journal – un média pourtant 100% online – vient de prendre la décision de quitter X, emboitant le pas à de grands médias européens comme The Guardian et La Vanguardia. Une déclaration politique, mais aussi et surtout une question d’éthique professionnelle.
Ces dernières 48 heures, et suite à la nomination d’Elon Musk au gouvernement Trump, trois grands médias européens, le britannique The Guardian, l’espagnol La Vanguardia et le suédois Dagens Nyheter ont annoncé tour à tour qu’ils ne publieraient plus sur X. En cause: la « toxicité » de ce réseau social devenu « un réseau de désinformation ».
Le fait que de tels médias décident de quitter le réseau social X, accusé de propager la haine et la désinformation, est « le symptôme de l’échec des démocraties à réguler les plateformes » internet, a déclaré vendredi à l’AFP un responsable de Reporters sans frontières (RSF).
Si petite soit cette contribution
À son échelle, la rédaction du Lëtzebuerger Journal a donc également décidé de retirer sa pierre à l’édifice X, « si petite soit [sa] contribution ». Le Journal avait rejoint Twitter en octobre 2010. Il touche à ce jour 5.235 abonnés. Enfin, « toucher » n’est pas forcément le bon mot puisqu’à bien y regarder, ses tweets peinent généralement à atteindre la centaine de vues (X affiche publiquement le nombre de vues en dessous de chaque tweet). Une question d’algorithme sans doute, qui favorise malheureusement l’info sensationnelle, voire « nocive », aux dépens d’un journalisme sérieux et constructif.
À titre de comparaison au Luxembourg, le compte X du Wort totalise près de 35K followers, le Tageblatt 14K, le Land un peu moins de 10K. Mais pour eux aussi, le rapport entre le nombres de followers et le taux d’engagement surs leurs tweets reste faiblard. Même si de manière pragmatique, « chaque abonnement compte » comme l’explique la rédaction du Journal, cette faible visibilité (comparée à l’investissement en temps que requiert la gestion d’un réseau social) pourrait être une première raison légitime pour remettre en cause sa présence sur X. Mais pour le Journal, les principales raisons avancées sont d’un autre ordre.
Avec la politisation de Musk, « la plateforme est irrévocablement devenue un organe de propagande pour la future administration de Donald Trump. C’est un moment inédit, même pour une plateforme désormais notoirement connue pour être un point de ralliement pour les théories du complot, la désinformation et les messages de haine. » affirment les journalistes du Journal. « Aucune autre plateforme n’a autant abandonné les règles de la bienséance que X. Continuer à l’utiliser légitimerait ce comportement de la part de Musk lui-même, ainsi que de la plateforme dans son ensemble, aussi petite soit notre contribution. »
Oui, nous publions pour que les gens voient nos articles. Mais en faisant cela, nous invitons également les gens à utiliser la plateforme. (…) Combien de messages haineux doivent-ils traverser avant cela ? Combien de désinformation doivent-ils filtrer mentalement avant de voir quelque chose de positif (…)? Avant chaque post qui vaut la peine d’être vu, il y a un parcours du combattant de désinformation. Pouvons-nous accepter que la diminution des chances de trouver du contenu positif soit l’occasion de tomber presque à coup sûr sur du contenu toxique ? Pouvons-nous assumer la responsabilité de contribuer, ne serait-ce qu’un peu, à ce que davantage de haine soit diffusée et vue? Que des mouvements antidémocratiques soient directement financés par la publicité à côté de nos posts ? Notre réponse est unanime: non.
Lu sur journal.lu
Pour ces raisons, la rédaction du Journal ne publiera plus sur X. Pour autant, elle n’a pas supprimé définitivement pas son compte. Sait-on jamais, si la plateforme redevenait un jour politiquement neutre, et mettait en place une modération efficace pour empêcher les dérives haineuses, alors elle pourrait bien y revenir.
Nous quittons X – Voici les raisons. À lire sur journal.lu en français, allemand ou anglais.