Pour ou Contre le media-training?

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«Soyez naturel!» hurle le cameraman au malheureux sur lequel sont braqués, après son passage par le maquillage, deux projecteurs, une caméra et un micro tandis qu’un journaliste nerveux feuillette ses notes en face de lui. Être naturel… certes! À moins d’être un extraverti pathologique qui fleurit sous les sunlights – et encore – il n’est pas naturel d’être naturel dans cette situation. Le naturel, ça se travaille. Avec des pour et des contre!

Sophistes nouvelle génération

Il y a peu de personnes au monde dont on peut dire que les fées de la rhétorique se sont penchées sur le berceau. Même Cicéron, même Napoléon, même les ténors du barreau habitués aux harangues n’ont pas tout de suite su déclamer leurs discours en public. Même Démosthène, le plus grand rhéteur de l’Antiquité, s’entrainait à parler avec des petits cailloux dans la bouche – pour se forcer à bien prononcer – seul, devant la mer. Aujourd’hui, les sophistes «nouvelle génération» s’appellent des conseillers en communication et la discipline qu’ils enseignent ne s’appelle plus «rhétorique» mais «media training». Elle forme à se présenter clairement en moins de cinq minutes, maîtriser des éléments de langage ou faire passer un message même lorsque la question de l’interlocuteur, adversaire politique ou journaliste, ne s’y prête pas. Les média traîneurs, à l’instar des maîtres de rhétorique, préconisent un certain enchaînement argumentatif: commencer par énoncer un fait, placer un chiffre clé et conclure rapidement. Pour remporter la joute, il faut aussi apprendre à déroger aux règles de politesse et maîtriser l’art d’éluder les questions dangereuses.

Les média traîneurs, à l’instar des maîtres de rhétorique, préconisent un certain enchaînement argumentatif: commencer par énoncer un fait, placer un chiffre clé et conclure rapidement.

Alors oui, pour maîtriser toutes ces techniques qui sembleront faire paraître «naturel» à l’écran ou derrière un micro, le media training est indispensable. Car nous sommes bien forcés de le reconnaître: la BFMisation de l’info nous a fait passer de la mise en forme de l’information à sa mise en scène. Sportifs, politiques, grands patrons, représentants de la société civile ne sont plus uniquement interrogés sur ce qu’ils font, mais également sur ce qu’ils sont. C’est-à-dire ce qu’ils dégagent à l’image. Maîtriser cette image est donc essentiel. Mais pour la spontanéité, on repassera!

Degré Xerox

Car à force de passer par la moulinette du média-training, nos patrons, nos hommes politiques et les personnalités diverses qui passent sur le petit écran, finissent par tous se ressembler. Même posture, même tenue attendue, mêmes techniques rhétoriques, même ton de voix. Le sociologue Jean Baudrillard évoquait avec humour le «degré Xerox» pour décrire la société de l’image formatée, standardisée, normée et reproduite comme autant de photocopies. Figée dans un moule, la machine à communiquer a tendance à décalquer à l’infini les mêmes tics, les mêmes recettes, les mêmes ficelles.

Figée dans un moule, la machine à communiquer a tendance à décalquer à l’infini les mêmes tics, les mêmes recettes, les mêmes ficelles.

Du coup, celui que l’on remarquera, paradoxalement, est celui qui sort du moule, qui paraît sincère au point d’en être maladroit. Alors que le discours impeccable fera l’effet d’un robinet d’eau chaude que l’on n’entend plus quand il remplit la baignoire, les hésitations, les silences nous feront au contraire relever la tête et tendre l’oreille. Alors certes les gourous du média-training ont sûrement des techniques à enseigner. Mais pour qui veut être remarqué, il faut vite les oublier. Ou les maîtriser suffisamment pour les dépasser… et être, non pas «naturel» – ce qui ne veut pas dire grand-chose – mais être tout simplement soi-même!

Par Patrick Lesage, CEO & Founder Takaneo.


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