Jeremy Coxet et Grégory Camus (AIxH): « L’IA occupe pour les services la même place révolutionnaire que la vapeur pour l’industrie »

Annoncé en début de semaine sur adada, le lancement de la nouvelle agence AIxH, cofondée par deux ex-Vanksen – l’ancien directeur associé Jeremy Coxet (2013 à 2022) et l’ancien directeur média Gregory Camus (2003 à 2021) – méritait que l’on s’attarde un peu plus sur le sujet. Nous les avons rencontrés:

Vous êtes deux anciens collaborateurs incontournables de Vanksen, partis à un an d’intervalle pour des raisons différentes. Comment vous êtes-vous retrouvés sur ce nouveau projet d’agence? 

Jérémy Coxet: « Après 15 ans de collaboration, nos échanges lors de déjeuners sont devenus des rendez-vous incontournables, un moment pour discuter innovations et entrepreneuriat. L’IA générative s’est imposée dans nos conversations, révélant un potentiel fascinant pour révolutionner le marketing et la communication. 

Notre enthousiasme était palpable, mais c’est le marché qui a confirmé notre intuition. Les marques, assoiffées d’innovation, étaient souvent déroutées par la complexité de l’IA. Nous avons vu une opportunité : créer un pont entre cette technologie émergente et les stratégies concrètes de marketing digital. 

Notre mission? Transformer l’incertitude en stratégies audacieuses, propulsées par l’IA.

Jérémy Coxet, cofondateur de l’agence AIxH

C’est ainsi qu’est née AIxH, fruit de nos convictions partagées et de notre désir de démystifier l’IA pour les entreprises, les guidant à travers un océan de nouveautés et de potentialités infinies. Notre mission? Transformer l’incertitude en stratégies audacieuses, propulsées par l’IA. »

Ensemble, vous lancez donc AIxH, une agence digitale «augmentée». Mais c’est quoi, au juste, une agence augmentée?

Grégory Camus: « Jérémy et moi, forts de nos 40 ans d’expérience combinée dans le digital, amplifiés par les compétences diverses de notre équipe, entamons une nouvelle phase. Grâce à l’IA, nous transcendons nos capacités de production, libérant du temps pour nous consacrer aux éléments cruciaux: élaborer des stratégies précises, mettre en œuvre des tactiques affûtées et assurer une gestion rigoureuse des plans d’action. Cette révolution nous permet d’accentuer notre rôle de conseillers stratégiques, en nous appuyant sur une technologie qui décuple nos possibilités. » 

À quelle « augmentation » doivent s’attendre vos futurs clients? À celle des résultats? À celle des coûts?

GC: « Nos clients, tout en contribuant à un réinvestissement dans des projets éthiques, verront une diminution des coûts. Cependant, notre objectif transcende la simple optimisation budgétaire ; nous visons l’élargissement du champ des possibles. Ainsi par exemple, auparavant, les coûts de production des « assets digitaux » constituaient une barrière, particulièrement lorsqu’il s’agissait de cibler des micro-audiences, entravant ainsi toute stratégie centrée sur le ROI.

Puisque les coûts de production des assets digitaux ne constituent plus une barrière, nous permettons désormais aux marques d’aspirer à un ciblage individuel.

Grégory Camus, cofondateur de l’agence AIxH

Désormais, cette contrainte n’est plus, et nous permettons aux marques de s’ajuster plus finement, voire d’aspirer à un ciblage individuel. Cette évolution, loin de se limiter à une réduction des dépenses, inaugure une ère de nouvelles opportunités stratégiques. » 

Vous êtes tous les deux convaincus qu’avec l’avènement de l’IA générative, nous sommes au début d’une nouvelle ère, qui va révolutionner le monde en général, et celui de la communication en particulier. De quelle manière selon vous?

JC: « Depuis les délocalisations industrielles des années 70 et 90 et l’essor du transport mondial, l’Europe a choisi de miser sur le secteur tertiaire. Mais aujourd’hui, nous constatons que l’IA occupe pour les services la même place révolutionnaire que la vapeur pour l’industrie, avec une différence majeure: le rythme du changement est dix fois plus rapide. Cette accélération nous force à repenser radicalement notre positionnement économique, à réévaluer le rôle du « vieux continent » dans une économie future dominée par l’IA. Ces questionnements transcendent le cadre économique, touchant l’ensemble de la société et soulevant des problématiques cruciales telles que la réduction du temps de travail, la redistribution de la productivité, ou le concept émergent de « patriotisme technologique »… 

Dans l’univers de la communication et du marketing actuels, l’impact de l’IA reste, paradoxalement, assez marginal. Les bénéfices en termes de productivité et d’efficacité qu’elle engendre sont généralement internalisés, visibles chez les collaborateurs qui optimisent discrètement leur charge de travail ou chez les prestataires qui améliorent leur rendement. Mais rarement ces avantages redescendent au niveau du client, qui devrait pourtant également récolter sa part des gains apportés par l’IA. 

Les bénéfices que l’IA engendre sont généralement internalisés, visibles chez les collaborateurs qui optimisent discrètement leur charge de travail ou chez les prestataires qui améliorent leur rendement. Mais rarement ces avantages redescendent au niveau du client, qui devrait pourtant également récolter sa part des gains.

Le marché, dans son ensemble, montre une certaine inertie. Adopter l’IA nécessite un changement radical dans l’ensemble du modèle d’affaires, une révision de la structure des revenus, de l’offre proposée, et de l’organisation humaine. C’est un défi particulièrement ardu pour les grandes structures bien établies, mais ignorer cette nécessité c’est risquer un scénario à la «Kodak»

Plus largement, nous observons que les acteurs mettant l’accent sur le conseil, l’accompagnement client, et la stratégie résistent mieux que ceux purement axés sur la production. Ne parlons même pas des agences dont le modèle repose sur l’offshoring de tâches peu valorisées. »

Qui sont les humains derrière le H de AIxH? Et que font-ils?

JC: « Nous sommes actuellement une cellule agile de quatre experts, renforcée par un réseau étendu de supports externes dans un écosystème très dynamique. Notre métier reste inchangé dans son essence: concevoir, élaborer, déployer, optimiser et analyser pour nos clients. Cependant, ce qui évolue considérablement, c’est notre capacité à nous focaliser davantage sur le conseil stratégique, grâce à l’IA. 

Cette technologie est devenue un allié inestimable à chaque étape d’une campagne marketing, amplifiant la qualité du conseil humain. Elle accroît notre efficacité, surtout en amont, pour l’analyse de données et la collecte d’insights, et en aval, elle révolutionne la création de contenu.

Cette technologie accroît notre efficacité, surtout en amont, pour l’analyse de données et la collecte d’insights, et en aval, elle révolutionne la création de contenu.

Elle nous permet d’explorer de nouveaux territoires créatifs et de résoudre des problématiques antérieures, telles que le ciblage de micro-audiences, auparavant entravé par des coûts prohibitifs. L’IA nous aide à transcender ces barrières, favorisant une personnalisation accrue et une approche plus ciblée. 

En Europe, nous observons un changement de paradigme dans l’industrie. Par le passé, les entreprises avaient tendance à allouer leurs budgets de manière disproportionnée à la production tangible, souvent en négligeant la valeur du conseil stratégique humain. Ce scénario est en train d’évoluer positivement. Aujourd’hui, on reconnaît de plus en plus l’importance et la valeur distinctive que l’expertise humaine, soutenue par l’IA, apporte dans l’arène du marketing stratégique. »

Et quels sont vos outils AI de prédilection? 

GC: « Nous vivons une époque qui évoque fortement les débuts du web 2.0, où chaque jour apportait son lot de nouveautés : outils, plateformes, réseaux sociaux… Bien sûr, tous n’ont pas résisté à l’épreuve du temps. Notre rôle est de séparer le bon grain de l’ivraie, d’identifier les outils non seulement efficaces mais aussi durables, pour optimiser nos investissements et ceux de nos clients. 

Actuellement, nous explorons activement une multitude d’outils. Nombre d’entre eux, il faut le dire, ne sont que des interfaces utilisateur construites au-dessus de technologies comme GPT, apportant peu de valeur ajoutée. Notre écosystème d’outils est donc fluide, adaptable, toujours en quête de la prochaine innovation qui fera la différence. 

Nous collaborons avec une variété de SaaS spécialisés, qu’il s’agisse de génération visuelle (pour les images, vidéos, publicités, etc.), d’outils d’analyse sophistiqués, ou encore d’IA travaillant sur des ensembles de données spécifiques à nos clients. Chaque projet est unique et demande une combinaison spécifique d’outils IA. Notre mission est de construire ce framework sur mesure, en constante évolution, pour répondre aux besoins précis de chaque client et de chaque situation. »

Vous sortez de l’ombre en ce mois d’octobre mais travaillez déjà depuis quelques mois pour certains annonceurs luxembourgeois. Qui sont-ils et que leur apportez-vous avec votre approche?

GC: « Effectivement, depuis nos débuts en coulisse, nous avons eu la chance de collaborer avec plusieurs annonceurs au Luxembourg, opérant dans des secteurs variés. Nos clients vont de l’industrie B2B, comme le secteur de la construction, à des marchés B2C, notamment dans le domaine des assurances. Chaque stratégie que nous déployons est méticuleusement adaptée aux spécificités de la cible, de l’écosystème client, et des objectifs uniques du client.  

Nos initiatives sont diverses: pour certains, nous orchestrons des campagnes d’acquisition de leads ou améliorons la visibilité de manière tactique, utilisant l’IA pour cibler avec précision des micro-audiences spécifiques. Pour d’autres, nous intervenons comme ghostwriters, aidant les dirigeants confrontés au redoutable syndrome de la page blanche, ou nous générons du contenu optimisé pour le SEO, visant à captiver et à convertir. 

Ce qui est constant, cependant, c’est notre approche sur mesure. Que nous fournissions une stratégie de contenu pointue, de la rédaction fantôme de haute qualité, ou des campagnes publicitaires hyper-ciblées, l’objectif reste le même: exploiter la puissance de l’IA pour offrir des résultats concrets et mesurables, tout en restant alignés avec la vision et les ambitions de nos clients. »

Dans la liste de vos services, la mise en place d’une (in-house) Content Factory nous a interpellés. De quoi s’agit-il?

JC: La mise en place d’une « Content Factory » in-house est un concept innovant que nous proposons, s’apparentant à la mécanique d’une usine de fabrication. Toutefois, au lieu de produits physiques, nous sommes dans le domaine de la production de contenus. Imaginez un système où des informations brutes, telles que des actualités ou des communiqués de presse, sont les matières premières. Ces informations sont ensuite transformées, grâce à des processus structurés et une technologie avancée, en une multitude de contenus adaptés à diverses plateformes et objectifs. 

La production peut être aussi variée que des posts internes pour les employés, des discours pour les dirigeants, une stratégie de contenu hebdomadaire pour les réseaux sociaux, ou des bannières publicitaires dynamiques pour un site web. Chaque pièce de contenu est soigneusement conçue pour répondre aux exigences spécifiques du média sur lequel elle sera publiée. 

Notre intervention s’apparente à celle d’un bureau d’études industrielles. Nous commençons par un audit approfondi des besoins, de l’organisation, des formats souhaités et des ressources humaines du client. Ensuite, nous élaborons un ensemble d’outils IA spécifiques, les configurons avec les données du client, et passons par des phases d’entraînement, de test, d’optimisation, et de maintenance continue. Enfin, une partie cruciale de notre mission est de former les équipes du client, assurant qu’elles sont pleinement compétentes et confortables dans l’utilisation de ces technologies avancées pour un déploiement efficace à long terme. Ce processus garantit que la Content Factory est non seulement une solution sur mesure, mais aussi un investissement dans la capacité du client à rester agile et réactif dans un paysage médiatique en constante évolution. »

Vous êtes déjà basé à Luxembourg, Paris et Liège. Vers quel type de clients vous orientez-vous? 

GC: « Notre présence à Luxembourg, Paris et Liège reflète notre connaissance approfondie de ces marchés, tirant parti de notre historique solide dans ces régions. Cependant, nous n’adoptons pas une approche « taille unique » en ce qui concerne notre clientèle. Nous collaborons avec une diversité d’entreprises, depuis les grandes marques jusqu’aux startups dynamiques, couvrant les secteurs B2C et B2B. 

Ce qui nous importe le plus, c’est la mentalité avec laquelle nos clients abordent l’intelligence artificielle.

 Ce qui nous importe le plus, c’est la mentalité avec laquelle nos clients abordent l’intelligence artificielle. Nous sommes à la recherche de partenaires qui partagent notre curiosité et notre passion pour l’IA, mais surtout, qui sont prêts à embrasser son potentiel pour véritablement transformer et optimiser leurs stratégies et opérations. 

 Notre objectif n’est pas de travailler avec ceux qui cherchent simplement à « cocher une case » pour montrer qu’ils ont intégré l’IA à leur business. Au contraire, nous cherchons des entreprises avec une véritable ambition, prêtes à explorer comment la technologie peut enrichir leur proposition de valeur, améliorer l’engagement client, et ultimement, avoir un impact significatif sur leur retour sur investissement. »

L’une de vos promesses envers vos clients justement, est de réinvestir 1/4 de vos bénéfices dans ce que vous appelez l’écosystème IA? Expliquez-nous.

JC: « Notre engagement à réinvestir un quart de nos bénéfices dans l’écosystème de l’IA n’est pas un acte de foi aveugle dans la technologie. Nous reconnaissons l’ambivalence de cette révolution, portant en elle des possibilités infinies mais aussi des défis considérables. Chez AIxH, nous avons décidé d’embrasser l’IA, mais de manière réfléchie et proactive. 

Nous sommes conscients que l’IA n’est pas juste un outil de transformation pour le secteur tertiaire, elle est un catalyseur de changement à une échelle sociétale.

Nous sommes conscients que l’IA n’est pas juste un outil de transformation pour le secteur tertiaire; elle est un catalyseur de changement à une échelle sociétale. Elle pose des questions critiques sur le fonctionnement de nos communautés, de notre économie, et même de notre identité culturelle. C’est pourquoi nous avons choisi d’intervenir dans trois domaines clés. 

Premièrement, nous sommes investis dans l’éducation et la préparation de la future main-d’œuvre. Nous constatons que de nombreux jeunes professionnels abordent leur carrière sans une compréhension claire de la façon dont l’IA a déjà transformé leur domaine. Notre initiative de formation et de sensibilisation dans les établissements éducatifs vise à combler ce fossé. 

Deuxièmement, nous sommes impliqués dans la recherche éthique autour de l’IA. Cela inclut la lutte contre les biais inhérents aux technologies actuelles et l’exploration de nouvelles façons d’élargir et d’améliorer les algorithmes responsables. 

Enfin, en contribuant à un écosystème qui favorise l’efficacité et la productivité pour nos clients, nous consolidons un environnement où l’IA est utilisée de manière bénéfique et durable. Cet engagement financier n’est pas simplement une promesse; c’est une obligation que nous avons formalisée pour garantir que notre entreprise reste fidèle à ces principes essentiels tout en naviguant dans cette ère nouvelle et inexplorée. »