La #Confinterview de Patrick Lesage (Takaneo)

La dernière fois que l’on a parlé à Patrick Lesage, il revenait du désert Namibien, où l’on avait shooté la couverture du magazine adada offline numéro 3. Depuis, il est redescendu de la dune et comme tout le monde, il est confiné. Changement de décor radical.

Quel est l’état d’esprit général chez Takaneo au 23ème jour de confinement?

On tient bon et on garde la foi! Certains events sont annulés ou reportés (notamment la Nuit de la Culture de Esch-sur-Alzette qui aura lieu en septembre) mais nous sommes à fond sur des projets de graphisme et sur des questions de stratégie ou de gros appels d’offres. Nous avons d’ailleurs pas mal de demandes d’entreprises qui profitent de ce temps de «pause» pour enfin mettre à jour leur brochure corporate par exemple, repenser leur stratégie commerciale ou préparer leur communication d’après confinement. Il faut y voir un signal positif! Et puis, chez Takaneo, c’est l’occasion de réfléchir à notre stratégie de contenu multicanale et de bosser (enfin) sur notre rebranding.

Nous avons été des millions à goûter au plaisir de travailler depuis son salon, en pantoufles, un thé à la main. Mais la nouveauté s’étiole au fil des jours, et les contraintes liées au télétravail deviennent pesantes.

Télétravail, visio-conférences… on s’y fait?

Après des premiers jours chaotiques, nous avons été des millions à goûter au plaisir de travailler depuis son salon, en pantoufles, un thé à la main. Mais la nouveauté s’étiole au fil des jours, et les contraintes liées au télétravail deviennent pesantes. Plus que le lieu, c’est la présence de l’autre qui nous manque. Comme chacun d’entre nous travaille toujours pour et avec quelqu’un, co-construisant un projet en équipe ou en binôme, l’autre ou les autres nous manquent. Malgré tous les outils nécessaires pour communiquer à distance ce n’est pas suffisant.

On se voit, on se parle, mais on ne se ressent pas. C’est ça?

Exactement. Nous avons un besoin émotionnel d’être en contact fréquent avec les autres. Et puis, la présence physique stimule notre intelligence émotionnelle en nous donnant de précieuses informations qui nous guident et nous renseignent: le regard d’un collègue, un hochement de tête furtif, un geste esquissé de la main pour mettre fin à un discours, un sourcil qui se lève… toutes ces choses que ne remplacera jamais la caméra de notre ordinateur.

Surtout quand on y ajoute de petits soucis techniques, des retards, des morceaux de phrases qu’on n’entend pas, une vidéo qui se fige…. Et, si les visio-conférences sont importantes pour maintenir le lien social au sein d’une équipe, elles ne peuvent pas se multiplier ou s’éterniser indéfiniment. Une visio-conférence de dix minutes, à deux, peut être bien plus efficace qu’une autre de 20 minutes avec 5 participants. L’enjeu est que les équipes restent efficaces. On a tous besoin de plages de concentration, de travailler sans être interrompus. Les réunions et échanges virtuels doivent être bien rodés pour ne pas empiéter sur la force de production d’une entreprise.

Comment s’organiser au mieux alors pour maintenir la motivation de son équipe?

Il est essentiel, d’abord, d’organiser des rendez-vous virtuels, en planifiant des points réguliers. En tant que manager, dire à ses équipes «appelez-moi dès que vous voulez» est nécessaire, mais pas suffisant. En cette période où le temps se dilate et se dilue, il n’est pas inutile de déclencher et maintenir la stimulation des équipes. C’est en étant proactif, en sollicitant les salariés, qu’on les aide à rester motivés et engagés. D’où l’importance de déclencher des rendez-vous pour faire le point sur un dossier ou réfléchir collectivement. Une réunion bien menée le matin vous nourrit pour la journée. Même lorsque l’on continue à travailler seul, on s’en sert pour avancer.

Enfin, il appartient aux managers d’être vigilants. Suivre ses équipes et ne laisser personne à l’écart cela signifie déjà appeler, tout simplement, pour prendre des nouvelles et en donner. Inutile, vu les conditions, d’essayer de faire des points stratégiques cruciaux! Mais faire passer le sentiment de cohérence et de lien dans des moments où, malgré la discipline personnelle de chacun, la concentration est distraite par mille préoccupations quotidiennes, est une stratégie essentielle.

Les temps sont durs pour la « collaboration »?

Je ne crois pas. Pour les managers, c’est le moment de solliciter les salariés pour du travail en petite équipe, d’encourager la collaboration en binôme. Stimulants, ces projets ne peuvent que favoriser la créativité et permettre de créer du lien. Y compris sur un dossier que quelqu’un pourrait mener seul. Mais susciter un échange entre deux collaborateurs ne peut que servir la cohésion de l’entreprise! Il peut exister encore bien d’autres moyens de maintenir la dynamique des équipes. L’essentiel est surtout de préserver ce qui peut l’être: le capital humain et sa qualité. Capital bien plus irremplaçable que celui qui dort – ou pas – à la banque!